Faire le portrait d'Henri Bosco n'est en aucun cas faire la somme des apparences extérieures d'un être.
Henri Bosco avait ce rare privilège d'être tout entier présent aux avant-postes de lui-même.
Quand on a la chance d'approcher un homme comme Bosco, on est envoûté par son intense présence physique.
Et il faut bien passer à une formulation qui fait glisser cette présence dans le passé bien que, pour ceux qui l'ont connu, ce passé soit devenu une sorte de présence toujours prête à l'appel.
Le geste d'Henri Bosco était parcimonieux, mais précis comme ces petites fléchettes au curare qui sifflent presque invisiblement et atteignent leur but à chaque coup; hélas, il est bien des gens qui sont insensibles à la finesse et à la précision de ce tir qui procédait aussi bien du geste de la main que de la courbure des épaules, de l'inclinaison de la tête ou du croisement ou du non-croisement des jambes.
L'oeil était étonnant, à la fois sombre et clair; brun mais en même temps Ayguebrun, liquide, lumineux.
Son regard jouait très bien de ce double caractère d'ombre et de clarté, de mystère et de franchise.
Bosco était tout entier dans sa façon d'être, c'est dire qu'il était, là aussi, ce metteur en scène et cet acteur conscient du poids de son rôle dans sa propre vie et dans celle des autres; ce côté théâtral, dans le sens le plus grand du terme, il nous l'offrait comme un cadeau prestigieux mais évanescent; la minute passait, la fresque qui vivait devant nous déjà s'effaçait de notre mémoire... Sa malice gentille qui nous ravissait nous maniait avec un humour irremplaçable (je n'en ai jamais rencontré de pareil) car il était, à chaque instant, également bonté.
Ceux qui l'ont connu ont goûté avec le même plaisir ses mines, ses regards ses phrases bien placées, ses réflexions faussement furibardes, ses confidences glissées à lèvres presque fermées, ses silences réprobateurs, le rire silencieux de sa bouche sévère, et j'en passe...
Décrire Henri Bosco, c'est aussi parler de l'homme pur, exigeant, parfois cassant, secrètement tendre, farceur et terriblement sérieux, présent dans la réalité la plus quotidienne (il fallait l'entendre parler des fourmis !) et pourtant sans cesse absent au-delà des apparences trop évidentes, puissant, violent, pudique, lucide jusqu'au dernier jour, jeune comme un jeune loup, un jeune renard des collines, attentif, frémissant, prêt à la fuite.
Oui, cette jeunesse fait partie du portrait et surtout du message qu'il nous laisse.
Jeune jusqu'au bout.